Le 1er mai est né officiellement, le 20 juillet 1889 à Paris, au 42, rue Rochechouart, lors du Congrès de la IIème Internationale socialiste réuni à l’occasion des célébrations du Centenaire de la Révolution Française.
Le mouvement socialiste international regroupant de nombreuses fédérations de syndicats et groupes corporatifs ouvriers avait fixé son rendez-vous à cette occasion, sans doute pour exprimer une omniprésence prolétarienne à la célébration d’une révolution bourgeoise. Toutefois ce congrès dut se scinder en deux, en raison de dissensions qui s’étaient aggravées précédemment entre les « possibilistes » (sociaux démocrates réformistes d’aujourd’hui) et les révolutionnaires.
L’un, dit « Congrès marxiste », dut se transporter à la rue de Rochechouart avec quelques 380 délégués dont une soixantaine de délégués de pays étrangers ; l’autre regroupant les « possibilistes » avec plus de 600 délégués dont une centaine d’étrangers, se tint rue de Lancry.
Le Congrès marxiste était animé par des personnalités marquantes du mouvement socialiste international tels : Jules Guesde, Edouard Vaillant, Deville, Lafargue etc…pour la France.
Le Manifeste du Parti Communiste, inscrit en lettres d’or, dominait la salle du congrès de ces mots : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Le texte de la résolution adopté à l’unanimité par le Congrès de la rue de Rochechouart ne laisse subsister aucune équivoque sur le jour retenu comme date de naissance du 1er mai. Le voici dans son intégralité :
« Il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du Congrès international de Paris.
Les travailleurs des diverses nations auront à accomplir cette manifestation dans les conditions qui leur seront imposées par la situation spéciale de leur pays. »
Il convient de souligner que si la résolution met l’accent sur la réduction à huit heures la durée du travail, elle fixe aussi à la lutte des travailleurs l’objectif de faire appliquer les autres résolutions (plate forme revendicative) du Congrès International de Paris.
Pour ce qui est de l’autre Congrès des « possibilistes » tenu rue Lancry, certes il se prononça pour la journée maxima de huit heures, mais resta très discret quant aux moyens (faire payer les patrons) d’application de cette revendication.
LES EVENEMENTS FONDATEURS DU 1ER MAI
Le 19ème siècle voit se développer l’industrialisation des pays d’Europe et d’Amérique du Nord, et l’essor du capitalisme.
Le 1er Congrès du Parti ouvrier français après la Commune de Paris en octobre 1876, s’était prononcé en faveur de la journée de huit heures pour les femmes ; le 2ème Congrès (1878) étendit la revendication à tous les travailleurs et le Congrès du Havre (1880) repris à son compte le programme élaboré à Londres par Marx, Engels et Lafargue en faisant de la revendication des huit heures un objectif internationaliste essentiel.
Il faudra cependant attendre le Congrès de la Fédération Nationale des Syndicats (Bordeaux novembre 1888) pour que la question des huit heures soit vraiment prise en compte, comme un objectif de lutte des travailleurs dans le cadre d’une plate forme qui réclamait les mesures suivantes :
-La journée de travail à 8 heures maximum,
-La fixation d’un minimum de salaire,
-L’interdiction du marchandage,
-La responsabilité des patrons en matière d’accident du travail,
-La suppression des bureaux de placement,
-La mise en charge de la société : de lenfance, la vieillesse, l’invalidité du travail,
-Une véritable législation du travail etc…
Voilà une plate forme qui nous familiarise avec certaines idées voire une situation tendant à nous ramener plus de 100 ans en arrière. Avec seulement quelques touches de formes, cette plate forme du Congrès de Bordeaux (novembre 1988), serait tout à fait d’actualité à l’aube du 3ème millénaire.
LE 1ER MAI DES ETATS-UNIS
L’industrialisation Nord-américaine fut plus tardive qu’en Europe, mais elle s’accompagna d’une exploitation aussi féroce des travailleurs.
Les émigrants européens, anglais, portèrent l’aspiration à la réduction du temps de travail qui engendra la lutte pour la concrétiser.
Après un premier succès des travailleurs auprès du gouvernement américain sur la journée des huit heures pour les journaliers et ouvriers artisans en 1868, l’affrontement entre exploiteurs et exploités allait s’exacerber.
Le Congrès de l’A.F.L. (1882) allait se prononcer sur une résolution en matière de durée du travail : « Nous déclarons que la journée de travail de huit heures permettra de donner plus de travail pour des salaires accrus.
Nous déclarons qu’elle permettra la possession et la jouissance de plus de richesses pour ceux qui les créent.
Cette loi allégera le fardeau de la société en donnant du travail aux chômeurs…Elle stimulera la production et augmentera la consommation parmi les masses. C’est une mesure qui tendra de manière permanente à accroître les salaires…Elle diminuera la pauvreté et augmentera le bien être des salariés. »
Voilà encore une déclaration qui, de nos jours, peut parfaitement convenir aux résolutions ou aux appels à la lutte pour la diminution de la durée du travail. Voilà une déclaration dont le contenu de classe tranche singulièrement plus de 115 ans après, avec les positions des « possibilistes d’aujourd’hui » qui livrent aux patrons, des travailleurs, flexibilisés, taillables et corvéables à merci avec l’annualisation voire l’organisation du temps de travail pendant toute la durée de la vie professionnelle.
Le 4ème Congrès de l’A.F.L. (novembre 1884 Chicago) fit même un pas supplémentaire en fixant l’objectif d’aboutir à la journée de huit heures de travail, dès le 1er mai 1886.
Pour la première fois, la date du 1er mai apparaissait dans l’histoire du mouvement ouvrier. Le 1er mai 1886 arrivé, partout allaient se dérouler des grèves et manifestations de masse avec un mot d’ordre unitaire : « huit heures de travail, huit heures de repos, huit heures d’éducation ».
Un climat de révolte régnait parmi les travailleurs et, le 3 mai 1886, à la faveur d’une monstrueuse provocation contre les grévistes de l’usine Mac Cormik, une fusillade faisait six morts et une cinquantaine de blessés. Le lendemain, une foule évaluée à 15 000 personnes venue exprimer sa révolte et témoigner sa solidarité s’apprêtait à se retirer dans le calme quand une bombe tomba sur les policiers : huit morts et soixante blessés. La vague de répression qui suivit cette tuerie laissa de profondes blessures parmi les travailleurs et dans l’organisation syndicale.
LA TUERIE DE FOURMIES 1891
Lors du Congrès du Parti ouvrier Français à Lille (octobre 1890) est votée une résolution pour le renouvellement du 1er mai 1891. Elle invite les élus du Parti à transférer à la fête du travail du 1er mai les crédits utilisés par « la fête bourgeoise du 14 juillet » et incite les ouvriers à s’octroyer eux-mêmes l’application de la journée de travail de huit heures.
Le 1er mai 1891 fut particulièrement mouvementé en de maints endroits et pour la première fois des intellectuels de renom exprimèrent ouvertement leur sympathie pour le « 1er mai fête du travail ». Jean Baptiste Clément (auteur du temps des cerises) est arrêté et emprisonné à Charleville. Dans différents pays d’Europe le 1er mai s’enracine. Mais partout, les tentatives d’intimidation, des provocations fomentées par la bourgeoisie se multiplient.
Ainsi, en France, ce 1er mai 1891 allait être tragiquement endeuillé par ce qui se passa à Fourmies où tombèrent les premiers martyrs de la Journée Internationale des Travailleurs. A Fourmies, petite cité ouvrière du Nord de la France, connue pour son industrie textile à l’époque, les ouvriers et ouvrières avaient décidé de faire de ce 1er mai un grand jour de fête des prolétaires, dans le calme, dans l’union et la dignité.
La bourgeoisie ne le supporte pas et choisit de faire charger les manifestants par les gendarmes à cheval. Dans un premier temps, des ouvriers sont arrêtés, menottés. L’exacerbation qui s’en suit rend la police fébrile, avec le risque de provocation irréparable à tout moment.
C’est ce qui allait se produire à 18 heures. Une fusillade éclate sur un groupe de jeunes, garçons et filles, pour la plupart adolescents, qui se rendaient à la Mairie pour demander la délivrance des ouvriers arrêtés. On relèvera dix morts et une dizaine de blessés parmi lesquels Maria Blondeau, 18 ans, tisseuse, et Edouard Giloteaux, conscrit de 19 ans. L’une et l’autre seront fauchés par les tirs des fusils Lebel, pour la première fois expérimentés sur des êtres humains.
Le 4 mai, plus de trente mille personnes accompagnèrent les victimes à leur dernière demeure. Seul le drapeau rouge flottait sur le cortège.
L’indignation provoquée par le massacre de Fourmies traversa le pays et passa les frontières. Ceux qui avaient espéré que la terreur poussée jusqu’au bain de sang, pourrait refouler les idées révolutionnaires que le 1er mai avait fait germer, donnèrent au contraire à cette journée, une dimension plus forte encore, de lutte, de solidarité et de générosité de la classe ouvrière.
IL SERAIT BON DE S’EN SOUVENIR , AUJOURD’HUI EN 2004 !
(Sources : « Continuer la CGT » Tract du 1/5/98)